Ecrit par May Granier, Tunis
L’olivier est un arbre résilient même en conditions arides supérieures. Fournissant une huile alimentaire très appréciée, il a été lié aux sociétés méditerranéennes depuis la plus haute Antiquité. Il est issu de l’Oléastre sauvage (Olea Europaea, var. Silvestri) toujours présent dans toutes les régions autour de la Méditerranée. Dans les faits, l’olivier est lié à l’installation du climat méditerranéen, car la contrainte climatique est la donnée fondamentale pour la culture de cet arbre. Ce type de climat est apparu progressivement depuis environ 10 000 ans avant notre ère, s’installant d’abord en Méditerranée orientale, pour s’étendre ensuite, durant plusieurs millénaires, à l’Ouest et au Nord du bassin méditerranéen. Des études biologiques réalisées par G. Camps en 1970 montrent que l’olivier sauvage existait au Sahara environ 11 000 ans avant notre ère.
Aujourd’hui la Tunisie s’enorgueillit de 88 millions d’oliviers sur son territoire dont environ le quart (22 millions d’arbres) est cultivé dans le Nord. Ces arbres fournissent des huiles de terroirs aux saveurs reconnues et très appréciées par la population et à l’international. Ils représentent un patrimoine de plus de 140 variétés résilientes aux conditions climatiques sévères et qui remonte à la plus haute antiquité. Faudrait-il se résigner à réduire ces cultures faute de moyens d’actions contre les problèmes rencontrés désormais ? Alors que l’huile d’olive est l’or de ce pays et que les perspectives à l’export de ces huiles de terroirs sont si favorables.
En effet, lors d’un forum sur les problématiques des cultures d’oliviers organisé en février 2018 par l’ATAE à l’Institut National Agronomique de Tunisie qui a réuni plus de 400 participants, les témoignages des agriculteurs ont été préoccupants. Ils disaient les atteintes d’insectes ou de maladies qu’ils voyaient apparaitre sur les oliviers et se multiplier… avec les conséquences subies (défoliations intenses, pertes de productivités et stérilité apparente des arbres pendant plusieurs années).
Inventorier cette intensification des atteintes phytosanitaires dont se plaignent les agriculteurs devait être le premier pas, car les pertes de productivité, les défoliations sévères, la présence d’insectes multiples…… les blessures, tuméfactions des troncs observées exigent des savoirs et des compétences qui ne sont pas « dans le champ ». Certes la Xylella fastidiosa n’est pas chez nous, mais quand un olivier est à la fois rongé par cinq insectes ravageurs, lesquels sont renforcés par des attaques bactériennes et/ou fongiques, que faut-il espérer ?
Quelles stratégies de luttes phytosanitaires pour réhabiliter nos oliveraies ? Quel « paquet technique » pour la conduite des oliveraies ?
C’est pourquoi des interventions de plusieurs chercheurs et experts de l’Institut de l’Olivier ou des services compétents du ministère de l’Agriculture ont été très attendues,
car ces problèmes sont bien connus et ne constituent pas des nouveautés pour les spécialistes. Ils résultent d’une accumulation de causes telles que des pratiques agressives de labour, de récoltes et de tailles, des associations de cultures mal comprises peut-être, des plantations faites sans discernement sur des sols inaptes à les recevoir, des sols érodés incapables de fournir un milieu favorable à la plantation des jeunes oliviers, des changements climatiques qui impactent le développement biologique des êtres vivants sans nul doute. Mais d’autres facteurs interviennent aussi : le manque de formation des exploitants, des tailleurs, les problèmes phytosanitaires internes aux pépinières non contrôlées et jusqu’aux manques de moyens pour une lutte intégrée contre les ravageurs, lesquels se multiplient d’années en années sans contrôles efficaces.
Revoir les stratégies de cultures des oliviers en tenant compte des facteurs climatiques et sociaux économiques actuels, sans recourir à une problématique irrigation, tout en assurant à ces arbres précieux des écosystèmes favorables à la biologie de cette espèce est une démarche prioritaire pour les équipes ATAE/AAG et leurs partenaires.
Cette thématique est donc au cœur de plusieurs de nos projets en cours qui privilégient les formations à la gestion des sols et des arbres et proposant les associations végétales pour la protection des sols et, par conséquent, le rétablissement de la fertilisation naturelle des oliviers dans les terroirs tunisiens.
Tunis, décembre 2022